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Le blog de Monsieur Dyrek
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  • Des poèmes d'élèves individuels ou collectifs, des rédactions, de la correspondance avec des auteurs, les concours Printemps des Poètes. les concours Les 10 mots, productions d'élèves de Sainte-Elisabeth
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23 avril 2019

Concours de nouvelles du RER B, 7 textes de 6e et 5e de Sainte-E sur 8 des jeunes finalistes ! Résultats imminents !

Concours de nouvelles du RER B, deuxième édition ! résultats… imminents !

 

Et déjà…

SEPT TEXTES SUR HUIT ! Récits du RER B catégorie moins de 18 ans

 

CONCOURS DE NOUVELLES : LA RENCONTRE les résultats sont attendus officiellement mercredi 24 avril 2019 au Centre National du Livre !

 

Ici prenez le train des textes finalistes !

 

     Vous allez lire ici les 7 textes finalistes de 6e et 5e de notre collège Sainte-E à Paris non loin de la Seine, seule une huitième jeune finaliste, Elise, vient d’une autre école ! Il est émouvant de lire, quelques jours après l’incendie qui a blessé notre Cathédrale et plus de trois mois après l’écriture par ce collégien de 5e, ces mots dans le récit d’Alexandre se référant à la station « Saint-Michel Notre-Dame » : « « Notre Dame », lui fera penser aux fabuleux personnages que sont Esmeralda, Quasimodo, Frollo ; » évoquant les personnages imaginés par Victor Hugo, dans Notre-Dame de Paris. « L’Histoire avec un grand H », il fut rappelé que les deux tours de Notre-Dame ressemblent au H du nom Hugo et vice-versa !

     Le sujet proposé par les organisateurs du concours de nouvelles du RER B comportait beaucoup de consignes - en plus du sujet en lui-même de la Rencontre. J’ai demandé, en plus, que les élèves placent des mots « Saperlipopette », « Tranche-montagne »… ou des expressions, « dès potron-minet », « à la brune »…, parmi les « 100 mots » employés par Bernard Pivot dans son fameux 100 mots à sauver, repris par la romancière Yaëlle Hassan en son stimulant roman Suivez-moi-jeune-homme, que je fais lire à mes collégiens.

     Vous lirez ici ces sept récits qui n’ont pas tous été réalisés en classe, mais y furent amorcés. Vous trouverez tous les autres récits de nos élèves dans une page antérieure de ce Blog littéraire et incitatif ! Et vous lirez aussi dans une page ultérieure le récit d’Elise si elle en est d’accord ! Et vous pouvez lire un récit composé par un adulte, un texte également finaliste parmi les 47 : « Maurice ne saura jamais » qui essaie des hypothèses du pourquoi du comment du nom « La Plage » pour une station de bus, loin de tout rivage…

      Bonne lecture de ces rames de récits, classés par ordre alphabétique à la lettre de leurs noms. Prière de nous signaler les coquilles et les erreurs qui auraient échappé à notre vigilance dans ces récits forgés « avec entrain » ! (dixit un de nos collégiens !) ! Attention à la marche du quotidien en descendant du train…

    Texte y646 Laurent Dyrek professeur de français à faire lire écrire dire !

mars 2019, puis avril dans le Grand Paris.

 

**

 

     « Bonjour, Nous serons ravis de vous compter parmi nous. La nouvelle sélectionnée est celle qui s’intitule « Maurice ne saura jamais ». Et voici la liste des 8 jeunes finalistes, au cas où certains seraient vos élèves : Alexandre G-G (5e3), Emma B (6e3), Elise P., Tugdual A.(6e3), Juliette B.(6e3), Angèle G.(6e3), Samuel D.(6e2), Charlotte B.(6e3)  Bien cordialement, L’équipe du concours du RER B. 2 avril 2019. »

 

**

     « Prochain arrêt : La Plage ! » Maurice sourit. Il y a un arrêt, mais toujours pas de   plage. Juste de la ville. Qui a bien pu donner ce nom à cet arrêt ? Maurice n’aura pas la réponse. C’est son dernier jour au volant de son bus. « Prochains arrêts : Laplace, Luxembourg, La plaine Stade de France, Sevran Beaudottes, Aéroport Charles de Gaulle. » Demain, Maurice conduira une rame du REB B. Un aiguillage en forme de rêve… ».

     Amorce de récit, composée par l’écrivain romancier Daniel Picouly, qui a écrit sur l’école de son enfance le célèbre Champ de personne et, récemment, un roman où il fait parler le volcan de la Fournaise Quatre-vingt-dix secondes, une minute trente à la bascule des destins !

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      1 récit de 5e :

     Le RER B, Maurice en a rêvé tant de fois, tant de nuits ! Enfin ! demain, le grand jour ; le nouveau départ.

     Départ : Saint-Rémy-lès-Chevreuse ; Terminus : Aéroport Charles de Gaulle. Quels beaux voyages sur cette rame, que de paysages et d’histoires traversés. Il a hâte de s’ébaudir… Il partira dès potron-minet… Il roulera, il voguera jusqu’à la brune.

    Maurice rêve aussi de rencontres, d’amitiés, passagères ou non ; il y rencontrera toutes sortes de gens : sans doute un tire-laine, un tranche-montagne, un trotte-menu, un rêveur, un travailleur, un lève-tôt, un couche-tard, un vert-galant ou un beau-parleur...

    Chaque arrêt le fera s’évader et sur son pare-brise défileront des histoires, des souvenirs, des pensées. Un peu comme sur un écran de cinéma ! 

    Ouverture des portes : début du livre, du film, de l’histoire…

    Fermeture des portes : fin du livre, du film, de l’histoire…

    L’Histoire avec un grand H, ou les histoires, s’afficheront de station en station, de gare en gare et s’étireront tout au long de sa journée, au fil de ses allers et retours.

     « Robinson » lui rappellera « Vendredi » et Robinson Crusoé ; « Notre Dame », lui fera penser aux fabuleux personnages que sont Esmeralda, Quasimodo, Frollo ; « Stade de France » le ramènera vingt ans en arrière avec la belle victoire du football français et la liesse populaire ; avec « Saint-Rémy-lès-Chevreuse », il fera un voyage dans le temps avec les abbayes, les châteaux, les merveilleux paysages.

     Ses voyages, il les fera au volant de sa machine, les yeux rivés sur les voies, les rails, les manettes et les boutons. Dans sa tête, se bousculeront images, musique, action, se mêleront films, livres, musiques, inventions, imaginaire. Il vivra tout cela intensément.  

    Puis la tête remplie d’images, de rêves et de voyages, il rentrera chez lui à bord du bus. Le bus qu’il a conduit si souvent. Il s’arrêtera un peu avant « la Plage ».

     Alexandre G-G 5e 3

 

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      6 récits de 6e :

            C'est dimanche et peu à peu le soleil se couche, c'est mon dernier jour à bord de l'autobus n°39. Demain, je conduirai la rame du RER B. Je suis un peu triste, car cela faisait vingt-trois ans que je conduisais mon bus entre la Gare du Nord et Les Frères Voisin. Je ne reverrai plus les grands boulevards, le musée du Louvre, le pont du Carrousel, Saint-Germain-des-Prés, ni les enfants de Sainte-Elisabeth, ni cet habitué qui montait chaque jour à Balard et me disait « Prochain arrêt la plage ! ».

            Lundi, 9h10. Aujourd’hui commence mon nouveau travail. Je descends les escaliers qui mènent à la station Saint-Rémi- lès-Chevreuse. Je rentre dans ma cabine pour faire le trajet jusqu’au terminus Roissy-Charles de Gaulle-aéroport. Il y a 39 stations. Ce jour-là, il n’y a pas beaucoup de monde. Ça se passe plutôt bien pour mon premier jour. Je m’arrête à la station Sevran-Livry. Les portes du RER s'ouvrent, je regarde sur les caméras pour vérifier que tout le monde soit bien monté. A ce même moment, je vois l'habitué de la ligne 39 avec des bagages qui rentre dans la rame. Je suis surpris de le voir ici. Je guette chaque arrêt pour savoir si mon habitué descend mais rien.

            Terminus, tout le monde descend ! Je le vois sortir avec ses deux valises et emprunter les escaliers. C'est ma pause, je me décide, je pars à sa rencontre. Je cours et le retrouve dans les couloirs. Je lui tape sur l'épaule, il se retourne, me montre du doigt en disant : - « Saperlipopette ! Prochain arrêt la plage ! » - « Oui c'est moi, maintenant je conduis le RER. Mais pourquoi Prochain arrêt la plage ? »

     Alors il me raconte son histoire. Depuis plusieurs années, il rêve de retrouver son grand-père qui vit en Nouvelle-Zélande. Il économisait pour pouvoir s'acheter le billet d'avion. Pour se donner du courage, chaque matin, en prenant mon bus, il me disait « prochain arrêt la plage ! ». Aujourd’hui, c'est le grand jour, il part rejoindre son grand-père. Je lui souhaite bon voyage et à bientôt j'espère sur mon RER.

     Tugdual A. 6e3

 

**

Maurice

      Tout a commencé sur une route de banlieue parisienne. Maurice effectue sa dernière tournée. Comme à chaque fois, au volant de son bus, il s’arrête à la station « la plage », coincée au beau milieu d’une cité, bien loin de la mer. Mais aujourd’hui, cette journée est différente. Elle est la dernière dans ce bus, la dernière sur cette ligne 12 dont il connaît chaque stop, chaque feu, chaque personne, chaque habitude. Ses fidèles collègues sont venus saluer son départ. Ils sont une dizaine à entrer soudainement dans le véhicule, accompagnés de leur famille. Un à un, ils tapent gentiment sur l’épaule de Maurice, par amitié. Puis ils lui tendent une autorisation exceptionnelle signée du chef de service et de la mairie.

-       On va à la plage, la vraie ! On fait l’aller-retour, on y déjeune et on rentre, pour fêter tes 20 ans de travail sur la ligne.

     Les passagers peuvent descendre et poursuivre leur route avec le bus suivant. Ils peuvent aussi rester à bord et profiter du voyage à la mer ; et tant pis s’ils ne connaissent personne à bord. Notre Maurice n’en revient pas. Il prend l’autoroute A13, direction Deauville.

     La journée est merveilleuse. Peu ont l’habitude de voir la mer. Le sable, l’air marin les comblent de bonheur. De son côté Maurice est partagé entre un peu de tristesse, celle de quitter son petit monde et la joie de commencer un nouveau métier, celui de conducteur de RER. Dans le bus, au retour, les enfants jouent, turbulents et très excités. Jusqu’à ce que Maurice prenne le micro. Non pas pour les gronder mais pour… chanter.  Oui, Maurice le timide, le discret, pousse la chansonnette. Et là, tout le monde reste bouche bée. Le silence s’installe pour ne pas se priver d’un moment digne de l’opéra. René, le plus vieux des collègues, vient à Maurice impressionné.

-       Maurice, crois-moi, ta voix est un trésor.

     Le lendemain, Maurice s’installe aux commandes de la rame. Il lui fera traverser toute l’Ile de France, des pistes de Roissy à la vallée de Chevreuse, en passant par les sous-sols de la capitale. Si seulement son père voyait ça. Sa fierté est immense aux premières accélérations du train. Elle l’est tellement que Maurice pense que les voyageurs la devinent. Quelle idée ! Qui prête attention aux « chauffeurs » de RER ? A mesure que les stations s’enchaînent, Maurice se décontracte, tout heureux d’occuper cette cabine et ravi de repenser à sa journée d’hier. Il se sent président à Charles de Gaulle, roi à Port Royal, bien dans Laplace, avec un métier Denfert. A la Plaine Saint-Denis, il repense à René et chante à tue-tête, tout en restant concentré sur sa tâche. La journée défile. Plus que trente minutes et déjà un autre conducteur prendra le relai.

     Alors qu’il arrive en station Cité Universitaire, des touristes japonaises descendent de la deuxième voiture. Sur le quai, elles remontent le train pour se mettre à la hauteur de Maurice, le saluer et lui faire de grands gestes. Maurice comprend qu’elles félicitent sa conduite irréprochable. C’est très aimable. A Luxembourg, un groupe de personnes âgées en balade se hâte de venir aux côtés de la cabine. Et encore ces mêmes gestes. Décidément ! A Chatelet-Les Halles, ce sont deux jeunes qui se montrent à la vitre, pouces tendus vers le haut. Mais comment donc tous ces gens savent-ils que Maurice termine sa première journée ? Pourquoi tant d’honneurs ? Après tout, sa conduite est soignée, mais elle n’est pas si différente de celle des autres. Maurice se regarde dans le reflet de la vitre. Rien d’anormal. Ni dans sa tenue, ni dans sa coiffure. Il consulte son téléphone, pensant à une blague des anciens collègues. Rien non plus. Tout cela est très étrange.

A Gare du nord, Jean-Luc entre dans la cabine pour prendre le relai.

-       Alors, comment s’est passée cette première ?

-       Parfait. Très content.

-       Holala… attention…

Le collègue se précipite sur le tableau de commandes.

-       Tu as laissé actionné le micro ! Tout ce que tu as dit dans cette cabine, le train tout entier l’a entendu. Si tu as toussé, ils l’ont su. Si tu as reniflé, ils l’ont entendu. Si tu as parlé tout seul, ils t’ont cramé !

Maurice regagne le local du personnel un peu troublé. En chemin, quelqu’un lui dit que M. Verdier, le directeur de la ligne, veut le voir. Ça n’annonce rien de bon.

-       Bonjour Maurice. Vous avez fait très fort. Vous avez vu les réseaux sociaux ? Ils ne parlent que de l’incroyable chanteur du RER B. Nos passagers en redemandent !

-       Heu… qui ça ?

-       Vous, mon vieux. C’est dingue. A tel point que nous essaierons dès demain une rame spécialement mise à votre disposition. Avec un équipement audio unique.

     Quand le lendemain dès potron-minet, Maurice reprend le travail, il voit que son train est nommé « Bel Canto ». Il ressent une peur différente d’hier et des débuts. Le trac d’un artiste qui entre en scène. Puis, comme la veille, l’appréhension se dissipe et le chant reprend. Parfois, Maurice devine derrière lui des applaudissements. Les passagers montrent du doigt « Bel Canto » en disant « c’est lui ! ». Les quais sont bondés. Les gens préfèrent laisser passer jusqu’à trois RER pour avoir une chance d’entendre Maurice. Malgré le monde, les voyageurs sont apaisés, comme hypnotisés. L’insécurité disparaît. La politesse revient. La RATP lance même une « mode » spécifique. Le public agite un mouchoir blanc quand « Bel Canto » entre en gare. Et bientôt, les images de stations submergées de blanc font le tour du globe. Les médias s’intéressent à ce curieux personnage, pourtant clampin, devenu célèbre. On lui propose de faire du cinéma, des publicités et même de chanter dans les plus belles salles du monde. On s’en étonne lors de l’interview donnée quelques semaines plus tard.

-       Maurice, comment vivez-vous votre célébrité ?

-       Pourquoi, Maurice, restez-vous dans le RER parisien ?

D’une voix petite voix, Maurice répond :

-       Ma vie est ici. Le RER était mon rêve. J’y ai rencontré mon public. Je leur serai fidèle à tous les deux.

Emma B.   6e3

  **

     « Saperlipopette, en voilà une bonne idée ! Je n’ai jamais vu la mer, et vous Monsieur Maurice ? » « Moi non plus. Mais nous sommes plusieurs clampins à ne l’avoir jamais vue. Ma voisine Yvette Gifsur par exemple. Derrière son Guichet, elle en a souvent rêvé. Et mon copain Antony, ce grand flandrin, pareil pour lui. Passons les prendre et allons-y tous ensemble. »

     Dès potron-minet, le lendemain, nos ruffians, sans barguigner, grimpaient dans le RER de Monsieur Maurice, direction Gare du Nord. « Vous avez tous pris vos Sceaux, j’espère, pour vous ébaudir sur la plage ? » « Mais Monsieur Maurice, il n’y a pas la mer, à la Gare du Nord ! Comment allez-vous faire ? » « Gare du Nord, mon copain Michel (un Saint qui vit dans à Notre-Dame), aiguilleur de son métier, nous attend pour nous aiguiller sur la ligne du TGV : après le Parc des Expositions, hop, nous continuerons direction le septentrion et sa mer. Enfin j’espère. Imaginez que nous atterrissions en Lozère ? »  « Fichtre, des argousins pourraient nous arrêter en route ? Tout cela me parait bien périlleux. » « Arrêtez vos carabistouilles, Madame Yvette, faites-moi confiance. Je ne suis pas un tranche-montagne, moi.»

     Le train allait bon train dans La Plaine. Les stations défilaient, aux noms les plus poétiques les uns que les autres : on y parlait de Fontaines Roses, de Verrières, de Croix et de Reines, de Robinsons dans les Bois Blancs, de Dames et leurs Galants Verts. Madame Yvette, babillarde et toute émoustillée était en verve et chantonnait une turlutaine pour ses compagnons de voyage. Maurice conduisait sa patache en souriant : « Mais au fait, comment vous appelez-vous Monsieur ? » demanda-t-il à l’habitué. « Albert » dit notre mirliflore sans fla-fla. « Albert Villiers ». « Albert Villiers ? » « Non ! AU-BER-VIL-LIERS ! Je veux un ticket pour Aubervilliers. Réveillez-vous Monsieur, le feu est passé au vert depuis cinq minutes et vous bayez aux corneilles ! »

     Pauvre Maurice ! Il s’était endormi. Point d’escapade à la mer entre amis. Tout cela n’était qu’un bien beau rêve ! Où en étais-je ? » dit-il en se grattant les moustaches. « Ah oui… Prochain arrêt : La Plage !»

     Juliette B. 6e 3

 

**

 

    Le grand jour est arrivé pour Maurice. Son rêve de conduire une rame de RER prend enfin forme. Vêtu de son costume de conducteur de rames, il s’installe aux commandes à l’arrêt Châtelet-Les-Halles. Il n’a pas d’appréhension, il est juste heureux.

     Les premiers voyageurs montent dans la rame. Il n’est que 6 h 30 et la fatigue se lit sur beaucoup de visages. Certains ont tout de même la mine affable comme ce vieil homme au sourire sympathique que Maurice remarque à l’arrêt Laplace. Il aimerait bien pouvoir lui parler mais, contrairement à son précédent poste de chauffeur de bus, il est difficile de parler aux voyageurs à moins d’utiliser le haut-parleur.

     À la station Cité Universitaire, Maurice remarque tout de suite un voyageur au look atypique. Il porte notamment une cravate jaune fluo avec des cœurs fuchsia. Le conducteur de rame ne peut pas s’empêcher de prendre son micro et de dire : « Monsieur à la magnifique cravate lumineuse, bravo pour votre look ! ».

     Maurice apprécie la vitesse du RER, l’absence d’embouteillages, la tranquillité de sa cabine de conducteur. Mais, en même temps, comme il aimerait discuter avec les voyageurs, notamment avec l’homme au look original ! On arrive maintenant à la station Antony et il n’a toujours pas vu le voyageur descendre de la rame. À ce moment-là, Maurice entend quelqu’un frapper à la porte de sa cabine. Avant de redémarrer, il a le temps d’ouvrir à… l’homme à la cravate lumineuse !

     Après les présentations d’usage faites, Maurice apprend que l’homme au look original s’appelle Henry et est saxophoniste dans un groupe de jazz. Après avoir donné un concert cette nuit dans une boîte de nuit, il rentre chez lui à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Avant de descendre au terminus, le musicien invite le conducteur de rame à venir prendre un verre chez lui après sa tournée. Maurice accepte avec joie. Est-ce le début d’une belle amitié ?

     Charlotte B. 6e3

**

     Une rencontre providentielle

     Demain, Maurice conduira une rame du RER B. Un aiguillage en forme de rêve pour ce fils et petit-fils de cheminots. Lui a choisi la RATP, Paris et sa banlieue. A chacun ses rails, ses voies ferrées. Depuis son plus jeune âge, ce faquin qui ne travaillait pas beaucoup à l'école, savait qu’il finirait dans une rame. Dans cette rame qui le faisait rêver. Dès qu’il a pu passer le concours de conducteur à la RATP, son rêve devint réalité.

     Maurice n'avait rien d'un mirliflore. Plutôt solitaire, spécialiste du modélisme ferroviaire, il aimait construire ses maquettes miniatures ou se plonger dans ses lectures. Devenu agent de la RATP, il lui a fallu faire ses classes au jeune Maurice avant d’avoir le droit de rejoindre l'axe nord-est / sud-ouest, avec ses deux embranchements. Et son million quotidien de passagers. Il se rappelle ce jour exceptionnel, à plus d'un titre. Car ce fut aussi sa première rencontre à distance avec son écrivain favori.

     Dès potron-minet, Maurice arriva à la gare RER. Celle d'Antony. Là commencerait son service; il prenait la suite d'un collègue, un clampin avec qui il n'échangera aucun mot mais seulement des gestes. Il avait le cœur qui battait à 1000 km/h, les mains moites et la boule au ventre. Le stress monta encore quand il s'installa dans la cabine. Dans sa tête, il se répétait: « Maurice, chauffeur du RER B ». Il le démarra et ce geste lui fit pousser des ailes. Premier arrêt : La Croix de Berny ! Les premiers usagers montèrent direction Luxembourg. Dans son rétroviseur, il remarqua alors une personne -louche se dit-il- qui grimpa dans la rame. En réalité, il venait de prendre à son bord, le grand écrivain Daniel Picouly. Il était honteux de ne pas l'avoir tout de suite reconnu et de l'avoir pris pour un tire-laine. Il ne savait pas comment se racheter, lui qui avait lu tout Picouly et en faisait un de ses auteurs fétiches. A la brune, après sa journée et ses kilomètres parcourus, il réfléchit et se dit que c'était peut-être un signe du destin. Qu'il ne devrait pas barguigner, vaincre sa timidité et aller le voir pour lui demander un autographe ou une dédicace dès que l'occasion se présenterait.

     A l'affût désormais, Maurice ne fut pas déçu de voir dès le lendemain l'écrivain monter dans sa rame sur le même quai que la veille. Le romancier devait vouloir rester anonyme, car il portait un chapeau melon, un ciré marron, des lunettes noires et un journal sous le bras. Ce jour-là, il ne se passa rien de plus. Un rendez-vous lointain plus qu'une rencontre. Des semaines plus tard, Maurice qui n'était pas de service et savait à quelle station Daniel Picouly descendait, l'attendit à Sevran Beaudottes.

     Maurice adorait lire. La lecture était pour lui une rencontre, avec un auteur et avec une histoire. En ce jour de repos, il allait enfin parler avec l'homme de romans et bandes dessinées. Il prit son courage à deux mains quand il aperçut la silhouette de l'écrivain. Maladroit, bafouillant, Maurice interpella son auteur. Poliment mais tremblant, il lui demanda : «Bonjour Monsieur Picouly, j’aimerais que vous me dédicaciez ce livre ». Pris au dépourvu, le romancier le rabroua avant de s'adoucir. « Bien sûr » lui répondit-il. « Donnez-moi votre livre et votre adresse, je vous le renverrai dédicacé dans quelques jours »

     L'attente fut longue et Maurice commença à croire que Daniel Picouly l'avait mené en bateau. Il pensa même que l'homme de lettres n'était qu'un tranche-montagne. Alors qu'il n'y croyait plus, le facteur sonna pour remettre en mains propres au salarié du Réseau Express Régional un colis. C'était lui, c'était son livre dédicacé par son idole. Pour le remercier et pour s'excuser d'avoir eu de mauvaises pensées, Maurice lui envoya une lettre et eut l'audace de l'inviter à dîner dans un palace parisien comme il aurait pu le faire avec un proche. Peut-être regardait-il voler les coquecigrues ? S'opiniâtrer avec Daniel Picouly était-ce bien raisonnable ? Il l'avait rencontré, avait obtenu une belle dédicace, mais devrait sûrement se contenter d'attendre la sortie du prochain livre pour le retrouver. Par la lecture. 

     Samuel D. 6e2

**

     C’est le grand jour, j’ai enfin réalisé un de mes rêves : conduire un train, être le maitre à bord et emmener des milliers de voyageurs de l’Aéroport Charles de Gaulle à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Je les emmène vers leur destination, soucieux de leur sécurité. Certains lisent, d’autres écoutent de la musique ou même parviennent à faire un petit somme malgré l’agitation tout autour. Ce changement, c’est pour moi aussi la possibilité de gagner un meilleur salaire et de réaliser peut-être un jour mon autre rêve… »

     Les semaines passent, les jours s’écoulent, Maurice commence à s’ennuyer, à se sentir seul. Il comprend que dans le RER il n’a aucun contact avec personne, personne ne le regarde, personne ne fait attention à lui, ne lui dit quoique ce soit, et il arrive à la conclusion qu’il était plus heureux dans son bon vieux bus. En fait les rencontres qu’il pouvait y faire lui manquent et cela le rend nostalgique. Mardi, le réveil sonne depuis plusieurs minutes, il a du mal à sortir des bras de Morphée. « Saperlipopette, je suis en retard, vite acheter sur la route un pain au chocolat, un croissant et courir dans les couloirs pour prendre mon tour et plonger dans la nuit des tunnels du RER. Mais j’entends la voix d’une jeune femme m’interpeller ». «  Monsieur aidez-moi, j’ai un peu faim, accepteriez-vous de partager votre petit déjeuner » ? « Oui, bien sûr, tenez ». Il la regarde à peine, en retard il court et parvient à arriver à l’heure. Pendant sa journée, il pense à cette jeune femme, seule dans cet endroit froid, sinistre, obligée de mendier. Il comprend qu’il ne l’a même pas regardée alors que c’est la seule personne de la journée qui lui a adressé la parole. Le lendemain elle est toujours là. Il lui apporte de quoi manger et lui laisse un peu d’argent. Son visage s’éclaire, elle a un sourie radieux qui l’accompagnera toute la journée. Le week-end arrive, un peu de repos bien mérité pendant deux jours. Lundi, la routine qui reprend. Il se surprend à penser à la jeune femme. Sera-t-elle encore là ? Par précaution il emporte un petit casse-croute. De loin il la voit : debout, vêtue d’une robe fleurie, les cheveux un peu en bataille mais au milieu de visage, il remarque pour la première fois ses grands yeux bleus. Leur regards se croisent, il barguigne, prend son courage à deux mains et ose lui demander : quel est votre plus grand rêve ? Elle hésite, baisse la tête, se redresse « Avoir quelqu’un à qui parler ». Sans hésiter, il décide d’enfreindre la loi et l’emmène dans sa cabine pour passer la journée à ses côtés et l’écouter ».

     La journée passe à grand vitesse, à la brune, Ils sortent ensemble boire un café et elle lui demande : « Quel est votre plus grand rêve ? ». Il sourit : «  Aller à la plage, voir la mer » et attendri il ajoute « Etre accompagnée d’une belle inconnue aux yeux bleus pour partager cette aventure avec moi ».

       Angèle G, Classe 6e 3

 

**

 

     Un texte finaliste écrit par un adulte :

 

RER B BLR champetre

Maurice ne saura jamais (version en moins de 6000 signes) :

    Maurice s’en alla pour le XXIe…, pas le XXIe siècle, il y était déjà et pour un bon bout de temps encore, non il prit la destination du « XXIe arrondissement », le Trouville-Deauville – les planches, les cabines de plages, les maisons balnéaires à belle façade, les mouettes à rire perçant et les livres de sable ainsi que des châteaux – chouette ensemble qu’il n’avait pas revu ou entendu depuis l’enfance. Laissons à sa conduite pour un instant Maurice, son habitué et d’autres passagers encore, qui vont apprendre sous peu le changement d’itinéraire à l’inédit du jour, l’ultime de Maurice sur cette ligne de bus qu’il avait tant aimée, surtout pour ses rencontres quotidiennes et surprenantes.

     Maurice ne saura jamais pourquoi la station s’appelle « La Plage », eh bien nous si, et vous aussi et - à moins que vous ne connaissiez Maurice -, lui ne le saura pas. Sauf si cette histoire se retrouve dans un livre entre ses mains, lui qui, dès demain, tiendra un RER à bout de bras, de Saint-Rémy-lès-Chevreuse jusqu’à l’aéroport au nom du Président-qui-a-fondé-la-Cinquième. Mais sais-je vraiment pourquoi la station de bus s’appelle « La Plage », alors que toute mer est à centaines de kilomètres… loin des vingt arrondissements de Paris et des vingt-neuf communes limitrophes. Ne devrais-je pas annoncer autrement la couleur de sable, d’or ou d’argent comme je vais vous inventer des hypothèses, parmi lesquelles peut-être se nichera la vérité. Et je ne vous demanderai pas de voter pour cette vérité, on vote pour une conviction, pour une action d’ampleur à mener.

     Alors… ma 1ère hypothèse est que le romancier parcourant rapidement et distraitement la liste des quarante-sept stations de la Ligne B quand son œil gauche en divergence de son œil droit vit « La plage » au lieu de « Laplace », le nom d’un célèbre inconnu, un grand savant français de probabilités et de mécanique céleste, cela lui fit esquisser un sourire discret mais tenace : il tenait là l’amorce du paragraphe qui allait jouer le rôle de hameçon des récits et des dialogues. Car il croyait en la commutation des lecteurs et des auteurs, en la réversibilité de ces rôles et qu’un terme, qu’un seul terme de hasard ou de nécessité, de justesse ou de surprise, de lapsus ou de côté, quelques mots bien agencés pouvaient servir de catalyseur pour une histoire, de déclencheur pour mille histoires en réseau de signes et de lignes.

     Ma 2e hypothèse est l’influence de « Paris-Plages » au plein cœur de Paris depuis soixante-quatre saisons, au long des berges récréatives, ludiques et improbables, au sortir d’au moins deux maxi-stations de la Ligne B : « Saint-Michel - Notre Dame » et « Chatelet-les-Halles » où les étés ont invité Parisiens et Banlieusards de tous poils, de tous âges et de toutes conditions sociales à profiter de ces plages, qui avec herbe ou sable fin qui avec des filets de jeux de ballons qui avec des coins lecture sous l’ombre de palmes, lorsque la possibilité de partir au loin, dans le rêve des congés payés de 36, s’absente ou s’éloigne et que la portance d’un Réseau Express apporte comme une compensation, un plan B ou un cadeau. Sur l’auteur féru d’enfance, de lieux en fusion dans son choix de nom de station…

      Ma 3e hypothèse est que cette station existe vraiment sur quelque ligne banlieusarde mais qu’au départ la station s’appelait sobrement, simplement, couramment « La place » - mais que fut adoptée à l’époque une police de caractères où le c et le g étaient fondus quasiment sur la même pièce de typographie et que par la suite avec une autre police « La place » fut changée en « La Plage » (peut-être pourrions-nous à ce sujet solliciter la police des polices de caractères pour identifier si ce fut du Garamond, du Gill, du Papyrus, du Trébuchet…, du Clemens, ou du Mystère et boule de gomme…) et que l’exotisme d’une telle appellation ne fut pas pour déplaire et dans ce quartier tout entier dévolu aux fleurs-artistes, « La Plage » apparaissait comme une algue, une étoile-de-mer ou une invitation au rêve et au voyage.

     Ma 4e hypothèse est que cette station s’appelait « La Page » en relation avec l’œuvre qui ornait la place pendant vingt-quatre ans, une sculpture représentant un écrivain devant sa feuille blanche au moment où les muses se penchent sur son épaule pour contrer son angoisse de ne pouvoir rien faire advenir : ni récit, ni description, ni hymne ni satire, ni lettre ni chanson, ni émotion en vers ou prose. Or l’œuvre de bronze avait été retirée pour des raisons de dégradations et envoyée au « pilon ». On ajouta une lettre au milieu de « La Page », car s’il devait y avoir des questions sur la raison de ce nom bizarre, autant y ajouter la connexion du rêve estival et du festival Roses-Manet.

     Ma 5e hypothèse est que le nom initial de la station « La plage de silence » faisait s’interroger plus encore les passagers - et les conducteurs qui ont précédé Maurice avaient du mal à se concentrer sur la conduite, on était loin du silence évoqué, - alors que la signalétique « Défense de parler au chauffeur » roulait de gros yeux et que la cité Dahlias-Mozart ou Bégonias-Beethoven envoyait déjà du son, son, son à foison…

     Et ne vous ai-je livré ici qu’une main d’hypothèses, vous pouvez en dessiner une autre, une seconde, et deux pieds pour finir mais sans appuyer sur le champignon, fût-il de Paris… Quant à Maurice, son prénom, in fine, me fait penser à l’île éponyme dont les « plages de sable blanc, frangées de cocotiers » figurent parmi les plus belles du monde. À vous de vérifier en prolongeant le voyage du RER B - comme l’authenticité et la véracité de cette assertion du grand Mark Twain ou de son feu jumeau : « L’île Maurice fut créée d’abord, et ensuite, le paradis fut copié sur l’île Maurice.» Aux plages fantastiques aux bords pavés d’oursins et de coraux où vous êtes priés de ne pas vous blesser…

     Texte de Laurent Desvoux-D’Yrek, photo itou.

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Passages retirés pour passage sous les 6000 signes :

     Et quel accès à la vérité avons-nous ou ai-je ? Moult Etats se battent pour un accès à la mer. Qui veut se battre pour un accès à un bord de vérité ?

     La vérité est un fleuve, une mer, un océan dont l’accès soit si primordial, qu’on ait à y masser des chars ou des barbelés. Mais je m’égare loin des gares et des stations.

     une occasion de constater que le quotidien est lui-même objet de questionnements, un lieu, un temps d’énigme ou de mystère…

     et qu’à l’instant, sur l’aile,  la lucarne du petit écran m’apprend en clignotant qu’un jeune garçon est miraculeusement sorti indemne d’une spectaculaire avalanche à « La Plagne »…

     Je m’appelle Désart, c’est heureux et beau-hasard de porter le nom d’un pont de ma grande ville d’Île-de-France.

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