Poèmes et nouvelles de demain 2008
POÈMES ET NOUVELLES DE DEMAIN
POÉSIE
Manon Dabancens (2nde 1) : « Aimer » et « Mon amour :
Premier prix de la forme poétique
Diane Gecit (1ère ES) : « Une des pires souffrances… » :
Premier prix du lyrisme
Marguerite Joubert (1ère S) : « Comment te dire… »
Premier prix du rythme poétique
NOUVELLES
Manon Dabancens (2nde 1) : « José » :
Premier prix du scénario de nouvelle
Laetitia Meziane (TL) : « Amoureux de vivre à en mourir»
Premier prix du style en prose
Participations recensées au thème « Pourquoi n’écrivez-vous pas ? » :
Madame Pillot, Documentaliste-Bibliothécaire
Madame Rey, Professeur et Directrice adjointe du Lycée
Monsieur Gabet, Professeur de Lettres et de Philosophie
SONNET INTRODUCTIF
Poèmes et nouvelles de demain
Nous voici rassemblés pour donner des nouvelles
Du concours lycéen sous les mots de demain
En poésie, en écriture de nouvelles
Ecrire, dire, nous, alliance, île, main
Deux nouvelles, quatre poèmes se révèlent
Au rivage des mots abordant leur matin
Merci pour ces histoires, ces images belles
Merci pour vos talents qu’ils ne restent pas vains
Mais s’épanouissent fleurs nouvelles et prochaines
Pour colorer le jour et vibrer les semaines
Et vivre le printemps mille printemps encor
« Pourquoi n’écrivez-vous pas ? » aussi demandai-je
Hors concours aux adultes et ce qui ressort ? :
Toute parole neuve agit en perce-neige
Texte 18 472 Laurent DYREK, organisateur du concours
Dans la salle des Professeurs en présence de Caroline, de François et d’Hubert
P.S. Les élèves devaient fournir poèmes et/ou nouvelles comportant des mots
formant l’acrostiche de « demain » : dire, écrire, main, alliance, île, nous
POEMES DE DEMAIN
Mon amour
Mon amour, aujourd'hui je t'envoie cet écrit,
Pour te dire à quel point tu comptes pour moi.
Encore une fois, je suis désolée d'être partie
Malgré la distance c'est comme si nous étions sous le même toit.
Mon amour, tes yeux j'en rêve jour et nuit,
Tes mains me manquent terriblement,
Tes lèvres me font oublier mes soucis,
Ton sourire m'enchante à chaque instant.
Mon amour, que veut dire aimer s'il n'est pas dit par toi
Par ta gentillesse et ta simplicité.
J'espère qu'un jour une alliance nous mette en joie
Comme dans l'île de mes pensées.
Mon amour, voici donc pour toi ce poème,
Pour te remercier de tout mon coeur,
T'écrire encore à quel point je t'aime,
Toi qui m'apportes tant de bonheur.
Manon DABANCENS
Aimer
Aimer, c'est un simple verbe du premier groupe...
Aimer, c'est croire en l'amour éternel
Aimer, ça nous rend plus belle
Aimer, c'est vivre car on ne peut pas vivre sans aimer
Aimer, c'est pouvoir avoir confiance en sa moitié
Aimer, ça fait souffrir mais on n'en a besoin
Aimer, c'est sentir la main de son conjoint
Aimer, c'est nous transporter vers des îles lointaines
Aimer, c'est un mot qu'on va écrire en haleine
Aimer, c'est prouvé par une alliance
Aimer, c'est une effervescence
Aimer, c'est se dire que tout est possible à deux
Aimer, c'est un mot merveilleux
Aimer, ce n'est pas qu'un simple verbe du premier groupe !..
Manon DABANCENS
Une des pires souffrances de la vie est probablement quand
On est séparé d’une personne que l’on aime ;
Comme si chacun de nous était sur une île,
Avec une frontière aussi infranchissable que l’océan.
On essaye de tendre la main vers l’autre pour le retrouver,
Mais aucun résultat.
L’alliance qui nous unissait n’existe plus,
Les lettres que je lui écris deviennent invisibles lorsqu’il les lit ;
Les mots que je lui dis ne le font pas revenir.
Il ne m’entend pas,
Il ne me voit pas,
Il ne me comprend pas.
Essayer de comprendre ce comportement serait inutile,
La vie mérite d’être vécue pour être heureux,
Mais parfois,
La meilleure façon de rester en vie,
C’est d’oublier.
Diane GECIT
Comment te dire tous mes maux ?
Ceux d’aujourd’hui, ceux de demain
Ceux que je garde, ceux que je tiens
Comment te dire tous ces mots ?
De jour en jour nous avançons
Et pourtant le temps me paraît long.
Si ma main dans la tienne je pouvais avancer
Je n’aurais plus peur je serais rassurée.
Cependant il ne suffit pas d’écrire
Pour échapper à ce monde,
Pour sentir cette émotion profonde
Il ne suffit pas d’écrire.
Notre alliance à jamais est scellée
Mais je me sens peu à peu te quitter...
Je ne veux que ton bonheur,
Sur mon île, dans mon coeur.
Aujourd’hui je ne sais où aller,
Mais dans mon coeur je te sens.
Dans tous mes moments désespérés
Je vois ton visage, maman
Marguerite JOUBERT
JOSE
Près de la ville de SANTA CLARA se trouve le petit village de CAMAJUANI, où vit le jeune José. Fils de parents, agriculteurs, il a très peu connu ses parents. Son père était un honnête homme, valeureux, vaillant, une force de la nature. Il était grand, beau, élégant et avait des yeux noirs comme l'ébène.
José lui ressemble beaucoup. Son avenir est tout tracé : reprendre l'exploitation familiale. Depuis cinq ans, il n'a vu et parlé à personne. Pourtant il y a du monde dans ce village de CAMAJUANI, beaucoup de jeunes du même âge que lui. Mais après le décès de son père, il n'a jamais pointé le nez dehors. Pas d'ami, pas de sortie, pas de cinéma, pas de petite copine, pas un sourire depuis « le jour ». Ce jour c'était le 29 août 1990
Sa mère grande, mince, coquette avec de longs cheveux bouclés, encore fort jeune et très belle se remit très difficilement du décès de son époux. Pour survivre et palier au besoin de José, elle travailla très durement, mais pour son fils, elle était prête à tout. Le 24 mai 1992
Que s'est-il passé ce jour-là ? Il ne le sait pas. Il n'est sûr que d'une chose c'est que sa mère ne l'aurait abandonné pour rien au monde.
Quelques années plus tard, ce qui lui reste ce ne sont que quelques photos de famille, la petite maison et le souvenir d'une enfance perturbée. La maison est la plus haute de toute la campagne, elle domine toute la vallée de CAMAJUANI. Elle a les murs de couleur grisâtre, qui donnent l'impression de ne plus tenir debout. Le plafond s'affaisse plus les jours avancent. Sa chambre, il n'y dort plus. Il préfère celle de ses parents. Il dort, sur de petites nattes en paille. Le matelas de vingt ans, lui apporte un certain bien-être. Il sent l'odeur maternelle. Le temps de l'insouciance est bien loin.
Deux questions pour José restent sans réponse: qui a tué son père ? Pourquoi sa mère est partie si brusquement sans ne jamais donner aucun signe de vie ?
José a appris à se méfier de tout le monde, il ne fait pas confiance, il a peur de se faire avoir. Les jeunes de son âge, il les entend rire, à travers les carreaux sales de la cuisine. Mais lui il n'a pas envie de les voir. Il doit travailler, pour gagner de l'argent, vivre et faire prospérer l'exploitation de son père.
Tous les matins, il se lève, prie dans l'espoir que sa mère reviendra. Ensuite quitte sa maison et passe chaque jour devant la case du vieux Luis. Cet homme, âgé, vit seul. Il reste assis toute la journée dans son fauteuil en paille, et fume continuellement de gros havanes. L'odeur des cigares est un ravissement pour José et lui évoque des souvenirs d'enfance. José ne lui a jamais parlé, pourtant à chaque fois qu'il passe devant lui, il se sent rassuré.
Il lui adresse un simple sourire, et continue sa route vers les champs de tabac. Là, il coupe à l'aide de sa machette, les feuilles, puis il les ramasse, et va les sécher.
Plus les jours avancent, plus ses mains sont abimées. Ses joues sont noires comme la terre, ses pieds sans chaussures sont sales. Ses vêtements sont les mêmes que ceux que portait son père, mais sont beaucoup trop grands. Il les noue autour de sa taille à l'aide d'une corde. Pourtant, il a toujours une prestance qui ne laisse d'ailleurs aucune fille du village indifférente. Il rentre chez lui aux alentours de avale un bol de soupe, et part se coucher. Il ne se pose pas de questions. Sa vie sur le plan matériel n'a aucun sens. Son unique objectif est de retrouver l'assassin et le sourire de sa mère.
Un matin, qu'il se rendait à son travail, Luis laisse tomber son cigare et l'appelle. José étonné et inquiet, reste de marbre. « N'aie pas peur, viens t'asseoir » lui dit le vieil homme.
José, surpris de l'attention de Luis, s'exécuta. Luis avait la voix rauque, comme quelqu'un qui venait de trop fumer, mais avec la douceur d'un enfant de sept ans. José lui demanda s'il pouvait l'aider. « J'ai quelque chose pour toi mon garçon ! » répondit Luis. José le regarda perplexe. Luis continua :
« - Je viens de recevoir un papier.
Il vient de très loin l'étranger. C'est ta mère ! » José se figea, blêmit, et ne broncha pas.
« Ce courrier t'appartient. Prends- le. Tu le trouveras sur la table de la cuisine. » José bondit et poussa la porte dans une excitation totale. Il courut vers la table de la cuisine, sans s'apercevoir, que plus il s'avançait, plus la lumière s'affaiblissait, plus le noir augmentait. Quand il prit la lettre entre ses mains, son visage perlait de sueur. Il était envahi d'une grande émotion, ses jambes tremblaient, son souffle était coupé. En portant la lettre à son nez, il reconnut immédiatement le parfum de sa mère. Cette lettre avait été postée en ARGENTINE. Il regardait à droite à gauche successivement. Il n'y avait rien dans cette pièce, à part un tableau qui représentait la ville de BUENOS AIRES et en-dessous, une coupelle dans laquelle, se trouvait une bague. Il courut vers la sortie. Arrivé dehors, le soleil l'éblouit. Luis parut étonné qu'il n'ait toujours pas ouvert la lettre. José, le comprit et se réfugia dans sa chambre à l'abri des regards indiscrets.
La lettre était d'une blancheur éclatante, l'écriture était parfaite:
« Mon chéri,
Je suis partie sans te dire au revoir et je le regrette chaque jour un peu plus. J'ai dû fuir Cuba pour des raisons que je ne peux t'expliquer. Ne cherche pas à me retrouver. Je pense à toi tous les jours et je suis sûr que tu t'en sors à merveille.
Fais bien attention à toi.
Je t'aime je ne t'oublierai jamais,
Avec toute ma tendresse ...
Ta maman »
José ne put s'empêcher de retenir les larmes qui lui brûlaient les yeux. Il remercia Luis, et rentra chez lui attristé, mais heureux. Pour la première fois depuis, trop longtemps, il avait des nouvelles de sa mère. Comme quoi il ne faut jamais perdre espoir. Il aurait bien sûr espéré autre chose et notamment avoir la possibilité de lui répondre. Pouvoir lui raconter son quotidien, le courage qui le faisait avancer. Soudain, mille questions lui venaient en tête : Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi si peu de détails ? Pourquoi ne pas vouloir lui donner la possibilité de la revoir ? Et enfin pourquoi cette lettre est-elle arrivée chez Luis ?
D'un sursaut, il repartit chez Luis et frappa de toutes ses forces à sa porte. Luis, ouvrit, à moitié endormi.
José lui expliqua son problème. Luis, très gêné, par la tristesse qu'il voyait dans les yeux de ce jeune homme ne put répondre. José surpris, déçu des réponses qu'il attendait et plongé dans ses pensées, retourna chez lui, avant de s'endormir malgré tout heureux mais perplexe.
Dès le lendemain, José partit travailler plus tôt que d'habitude. Au lever du soleil, il était déjà dans les champs à ramasser les feuilles de tabac. Ce jour là, il rentra très tard, exténué. Ce fut ainsi pendant plusieurs semaines. Tous les jours en croisant Luis, il espérait qu'il l'appellerait à nouveau pour lui dire que sa mère lui avait de nouveau écrit. Mais les semaines et les mois se succédèrent sans que rien ne se passe. Jusqu'au jour où José ne vit plus Luis...
Inquiet, José fit le tour du village à sa recherche. Personne ne l'avait vu, personne ne savait où il était. Durant des heures José se mit en quatre pour le retrouver. Mais toujours rien, effondré, il craqua, pleura à chaudes larmes. Tout à coup un enfant s'approcha de lui, prit sa main et l'emmena à l'autre bout du village. Soudain, l'enfant s'arrêta devant une paillotte. Etendu sur une natte, livide, le regard absent, Luis était là. José se jeta sur lui. Et ne put que constater que le vieil homme vivait ses derniers instants. Luis le prit par ses épaules, l'embrassa longuement. Soudain il sentit la main tremblante du vieillard se rapprocher de la sienne. Luis dans un dernier effort lui glissa la bague. La bague qu'avait vue José en-dessous du tableau de BUENOS AIRES. José tout surpris reconnut en fait que c'était une alliance ... A ce moment là, il regarda Luis. Celui-ci lui sourit et s'éteint. Totalement effondré, José porta l'anneau à son auriculaire, et serra son point de colère. Révolté contre la terre entière, l'envie de tout arrêter, de s'en aller ou de tout casser.
Quelques jours plus tard, les obsèques de Luis furent organisées. Tout CAMAJUANI était là. Soudain José fut attiré par le regard d'une dame en noir. Il ne lui fallut que très peu de temps pour comprendre. Leurs regards se croisèrent. Ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre. Il reconnut ce parfum. C'était sa mère !..
L'enterrement terminé, ils rentrèrent à la maison. Sa mère s'assit et commença à lui raconter, lui dire ce qu'elle avait vécu.
« J'ai dû fuir CUBA pour te sauver. Roberto le frère de ton père était mon amant.» Sa voix se nouait. Elle pleurait mais continua :
« Ton père l'a découvert, et Roberto l'a assassiné. Il m'a menacé de te tuer si je ne quittais pas l'île avec lui. J'étais effondrée, je n'avais aucun choix si ce n'est le suivre. Je ne pouvais pas permettre qu'il te fasse du mal. » Elle lui prit ses mains et les embrassa.
« Pardon, José, je m'en veux, mais même si c'est difficile à croire je ne l'ai fait que pour te sauver. Il n'y a rien de plus cher dans mon cœur que toi. » Elle continua avec difficulté : « J'avais interdiction de t'écrire. J'ai résisté pendant des années, jusqu'au jour où l'envie fut plus forte que la peur et la douleur de notre séparation trop importante. Si je suis là aujourd'hui c'est que je ne crains plus ton oncle. Je me suis échappée de son emprise. Le cauchemar est terminé. Je reviens à CUBA pour toujours, pour vivre avec toi, et pour essayer de rattraper toutes ces années perdues »
José, la regarda, anéanti. Certes il avait enfin les deux réponses à ses questions mais pourquoi aujourd'hui, le jour de la mort de Luis ?
Peu importe, ils étaient tous les deux réunis. Le bonheur l'envahit. Elle était enfin devant lui, et José dit enfin: « Nous ne nous séparerons plus jamais
Non, je te le promets, plus jamais !..
Je t'aime maman
Moi aussi, José, moi aussi »
Elle voulut retourner sur la tombe de Luis, José interloqué, mais ne voulant plus lâcher sa main accepta de l'y accompagner.
Il était tard, le soleil allait se coucher, et dans un calme absolu, elle s'agenouilla devant la tombe de Luis, pria pendant un long moment et murmura:
« Je t'aime papa ».
Manon DABANCENS
AMOUREUX DE VIVRE A EN MOURIR
Ils sont là. Tous. Ils attendent la mort. Que sa blanche pureté vienne les cueillir, et les soulage de leur souffrance. L’un lève les yeux vers le ciel. Noir. Désespérément noir. On dirait que la terre entière ressent leur tourment. Une peine immense leur étreint le cœur, sans que rien ne semble pouvoir les délivrer de ce supplice. Certains s’imaginent déjà retrouver leurs mères, ou encore leurs fiancées, là-haut, parmi les étoiles, inexistantes en ce soir du 21 novembre …
D’autres rêvent à un ciel bleu et pur, accueillant, mais presque aussitôt une voix railleuse leur murmure de lever la tête. Ils la maudissent tous cette voix pénible, mais voilà, elle est là … réelle … ou presque.
Le temps leur paraît long. Et pourtant si court … Qu’est-ce qu’une heure dans la vie d’un homme ? Mais quand on sait qu’elle sera la dernière ? Alors, ils attendent là, désireux d’oublier. Ou de se rappeler…
Ils évitent de se regarder. Ils savent que dans les yeux d’un autre, ils verront le reflet de leur misère. La saleté et la maigreur, les joues creuses et le teint ciré… Celui qui a dit un jour qu’un homme qui meurt pour ses idées meurt la tête haute, eh ben, il se trompe grossièrement.
Pour eux, il n’y a rien de plus pitoyable que de crever comme ça, puant la pisse …
Parmi eux, un blond, encore beau malgré la faim qui creuse son visage, le froid qui le fait frissonner, et la fatigue. Pas plus d’une vingtaine d’années, et le regard déjà marqué par la vie … Et il meurt à cause de ses idées … Ce putain de Maurissaut et son ministère l’ont condamné à la peine capitale pour avoir suivi les idées de son père. Mais le pire là dedans, c’est qu’il n’y croyait pas. Et dire qu’il se foutait de cette guerre dont il ne comprenait pas tout à fait le sens …
Maintenant, il ne s’en fout plus … Maintenant, il va perdre la vie à 21 ans à peine, des rêves plein la tête, des étoiles dans les yeux et une fille dans son cœur. C’était des jeux d’adulte.
Lui était encore un gamin.
Il aurait aimé vivre avec elle, la rendre heureuse, lui faire des cadeaux, voir une ribambelle de gosses courir autour d’elle, la voir rire, caresser sa peau, aussi douce que la soie, embrasser ses lèvres, pleines, au goût de caramel, plonger dans ses yeux chocolat …
Oh bien sûr, il n’était plus naïf, ça n’aurait pas été le bonheur tous les jours … Bien sûr, il y aurait eu des cris, des disputes. Peut-être un jour l’aurait il détestée … Mais mon dieu, au moins aurait il eu l’occasion de ressentir ces sentiments, ceux de la vie qui s’écoule et dont on ne peut retenir le flot. Tout sauf cette interruption brutale qui le terrasserait bientôt. C’est quand on a perdu les choses qu’on se rend compte à quel point elles comptaient pour nous. Ben, pour les personnes, c’est pareil … Cette sensation de vide, de manque qui l’étreint est insupportable… Il a presque envie de pleurer. Mais, à quoi bon, à quoi ça sert ? Il regarde sa montre, une des rares choses qu’on ne lui ait pas enlevé. … Plus que 58 minutes à vivre …
Le ministère avait communiqué l’heure de sa mort, et il sait qu’à cette heure-ci, elle devait frénétiquement regarder sa montre. Il lui a interdit de pleurer. Une mort, c’est pas forcément triste, pas vrai ? Elle ne doit se rappeler que des moments joyeux passés ensemble, comme cette fois au parc d’attraction, où il lui avait gagné un petit nounours, ou encore cette fois où il était tombé dans la rivière, et l’avait entraînée avec lui…
Candice… Il se souvient des années passées à détester ce nom, à l’exécrer, à le haïr. Cette insupportable petite peste au collège qui osait lui tenir tête, il ne la supportait pas… Ou du moins c’est ce qu’il croyait, jusqu’à ce qu’il réalise qu’il voulait peut-être juste se faire remarquer par elle. Il provoquait les rencontres, et finalement, ils se tombèrent dans les bras, un soir d’avril de leur seconde, pour ne plus se quitter. Il s’étaient promis de ne plus jamais se quitter…
Il avait peu à peu réussi à apprivoiser Marc et Thibault, les deux gardes du corps farouches de Candice… Ils avaient, à la fin de leur dernière année, acheté un appartement au cœur de Paris, pendant que la guerre faisait rage, et que dans les deux camps on fatiguait toujours un peu plus… Mais tous deux étaient au dessus de cela, ils n’y pensaient pas plus que ça et élaboraient des projets pour l’avenir… Ils vivaient dans une bulle, sorte d’île perchée au delà du monde des vivants. Ils parlaient parfois de se marier, il lui avait même offert une alliance, mais ils repoussaient le projet à plus tard, après la guerre…
Mais finalement le ‘bon’ côté l’avait emporté. Le ministère avait lancé des avis de recherche et tuait à bras le corps, sans acquis de conscience… Et lui, il va crever…
On l’avait pris chez lui, ils avaient défoncé la porte et malgré les cris de supplication de Candice, qui clamait son innocence, on l’avait descendu, à moitié nu dans une camionnette. Pourquoi pas quelque chose de plus discret ? Pour l’humiliation bien sûr…Ces salopards, ils aiment ça, le regard des voisins, les murmures sur le passage de celui qui sait qu’il n’aura pas de procès… Juste l’enfourner dans la camionnette, en regardant avec un plaisir sadique les pleurs de la famille, en l’occurrence, de sa fiancée…
Alors, le calvaire avait commencé, il avait été traîné dans une bonne partie des prisons de France, avait côtoyé les pires criminels de tous les temps… Mais, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, ce sont pas eux les pires… Les pires, ce sont les gardiens, qui vous pissent allègrement dessus, qui enchaînent les humiliations, pour le besoin de trouver un coupable…
Il revient dans le présent. Panique… Il lui reste dix minutes de vie, et il ne s’en est pas rendu compte… Il ne veut pas pleurer. Il veut essayer de mourir la tête la plus haute possible…
C’est à dire plutôt bas à cet instant…
On vient le chercher… Il doit être le premier à être exécuté, et ils ont considéré apparemment considéré qu’ils pouvaient expédier ça en deux minutes, puisque le prochain, ils l’ont prévu à 6h02… Il les déteste.
Il se lève et avance lentement vers un petit bonhomme chauve au fond de la cour… Celui-ci lui demande d’écrire son nom et de signer. Et ça fait quoi s’il le fait pas ?
« Active, nous sommes en retard !»
Il signe…
Ils l’amènent vers un petit muret. Alors il prend pleinement conscience qu’il va enfin savoir ce qu’il y a après la mort, si tant est qu’il y ait quelque chose. Il ne sait pas. Il doute. Il ne croit pas en Dieu, et c’est pire…
« Attention, à mon signal, visez et tirez… »
Il n’arrive plus à distinguer d’où vient la voix. Il a chaud. Il a froid. Il ne sait pas. Tout ce qu’il voit c’est deux yeux bleus qui le regardent, des yeux tristes… Son futur meurtrier se trouve face à lui et tient son fusil entre ses mains. Bizarrement Arthur n’arrive pas à lui en vouloir… Parce que c’est un être humain, comme lui… Parce qu’il a tout simplement peur, comme lui… Un petit choc de panique l’envahit. Il se force à respirer calmement. Il lève les yeux vers le ciel. Un petit morceau de soleil encore hésitant pointe le bout de son nez…
« Allez y… »
Laetitia MEZIANE
POÈMES ET NOUVELLES DE DEMAIN
POÉSIE
Manon Dabancens (2nde 1) : « Aimer » et « Mon amour :
Premier prix de la forme poétique
Diane Gecit (1ère ES) : « Une des pires souffrances… » :
Premier prix du lyrisme
Marguerite Joubert (1ère S) : « Comment te dire… »
Premier prix du rythme poétique
NOUVELLES
Manon Dabancens (2nde 1) : « José » :
Premier prix du scénario de nouvelle
Laetitia Meziane (TL) : « Amoureux de vivre à en mourir»
Premier prix du style en prose
Participations recensées au thème « Pourquoi n’écrivez-vous pas ? » :
Madame Pillot, Documentaliste-Bibliothécaire
Madame Rey, Professeur et Directrice adjointe du Lycée
Monsieur Gabet, Professeur de Lettres et de Philosophie
SONNET INTRODUCTIF
Poèmes et nouvelles de demain
Nous voici rassemblés pour donner des nouvelles
Du concours lycéen sous les mots de demain
En poésie, en écriture de nouvelles
Ecrire, dire, nous, alliance, île, main
Deux nouvelles, quatre poèmes se révèlent
Au rivage des mots abordant leur matin
Merci pour ces histoires, ces images belles
Merci pour vos talents qu’ils ne restent pas vains
Mais s’épanouissent fleurs nouvelles et prochaines
Pour colorer le jour et vibrer les semaines
Et vivre le printemps mille printemps encor
« Pourquoi n’écrivez-vous pas ? » aussi demandai-je
Hors concours aux adultes et ce qui ressort ? :
Toute parole neuve agit en perce-neige
Texte 18 472 Laurent DYREK, organisateur du concours
Dans la salle des Professeurs en présence de Caroline, de François et d’Hubert
P.S. Les élèves devaient fournir poèmes et/ou nouvelles comportant des mots
formant l’acrostiche de « demain » : dire, écrire, main, alliance, île, nous
POEMES DE DEMAIN
Mon amour
Mon amour, aujourd'hui je t'envoie cet écrit,
Pour te dire à quel point tu comptes pour moi.
Encore une fois, je suis désolée d'être partie
Malgré la distance c'est comme si nous étions sous le même toit.
Mon amour, tes yeux j'en rêve jour et nuit,
Tes mains me manquent terriblement,
Tes lèvres me font oublier mes soucis,
Ton sourire m'enchante à chaque instant.
Mon amour, que veut dire aimer s'il n'est pas dit par toi
Par ta gentillesse et ta simplicité.
J'espère qu'un jour une alliance nous mette en joie
Comme dans l'île de mes pensées.
Mon amour, voici donc pour toi ce poème,
Pour te remercier de tout mon coeur,
T'écrire encore à quel point je t'aime,
Toi qui m'apportes tant de bonheur.
Manon DABANCENS
Aimer
Aimer, c'est un simple verbe du premier groupe...
Aimer, c'est croire en l'amour éternel
Aimer, ça nous rend plus belle
Aimer, c'est vivre car on ne peut pas vivre sans aimer
Aimer, c'est pouvoir avoir confiance en sa moitié
Aimer, ça fait souffrir mais on n'en a besoin
Aimer, c'est sentir la main de son conjoint
Aimer, c'est nous transporter vers des îles lointaines
Aimer, c'est un mot qu'on va écrire en haleine
Aimer, c'est prouvé par une alliance
Aimer, c'est une effervescence
Aimer, c'est se dire que tout est possible à deux
Aimer, c'est un mot merveilleux
Aimer, ce n'est pas qu'un simple verbe du premier groupe !..
Manon DABANCENS
Une des pires souffrances de la vie est probablement quand
On est séparé d’une personne que l’on aime ;
Comme si chacun de nous était sur une île,
Avec une frontière aussi infranchissable que l’océan.
On essaye de tendre la main vers l’autre pour le retrouver,
Mais aucun résultat.
L’alliance qui nous unissait n’existe plus,
Les lettres que je lui écris deviennent invisibles lorsqu’il les lit ;
Les mots que je lui dis ne le font pas revenir.
Il ne m’entend pas,
Il ne me voit pas,
Il ne me comprend pas.
Essayer de comprendre ce comportement serait inutile,
La vie mérite d’être vécue pour être heureux,
Mais parfois,
La meilleure façon de rester en vie,
C’est d’oublier.
Diane GECIT
Comment te dire tous mes maux ?
Ceux d’aujourd’hui, ceux de demain
Ceux que je garde, ceux que je tiens
Comment te dire tous ces mots ?
De jour en jour nous avançons
Et pourtant le temps me paraît long.
Si ma main dans la tienne je pouvais avancer
Je n’aurais plus peur je serais rassurée.
Cependant il ne suffit pas d’écrire
Pour échapper à ce monde,
Pour sentir cette émotion profonde
Il ne suffit pas d’écrire.
Notre alliance à jamais est scellée
Mais je me sens peu à peu te quitter...
Je ne veux que ton bonheur,
Sur mon île, dans mon coeur.
Aujourd’hui je ne sais où aller,
Mais dans mon coeur je te sens.
Dans tous mes moments désespérés
Je vois ton visage, maman
Marguerite JOUBERT
JOSE
Près de la ville de SANTA CLARA se trouve le petit village de CAMAJUANI, où vit le jeune José. Fils de parents, agriculteurs, il a très peu connu ses parents. Son père était un honnête homme, valeureux, vaillant, une force de la nature. Il était grand, beau, élégant et avait des yeux noirs comme l'ébène.
José lui ressemble beaucoup. Son avenir est tout tracé : reprendre l'exploitation familiale. Depuis cinq ans, il n'a vu et parlé à personne. Pourtant il y a du monde dans ce village de CAMAJUANI, beaucoup de jeunes du même âge que lui. Mais après le décès de son père, il n'a jamais pointé le nez dehors. Pas d'ami, pas de sortie, pas de cinéma, pas de petite copine, pas un sourire depuis « le jour ». Ce jour c'était le 29 août 1990
Sa mère grande, mince, coquette avec de longs cheveux bouclés, encore fort jeune et très belle se remit très difficilement du décès de son époux. Pour survivre et palier au besoin de José, elle travailla très durement, mais pour son fils, elle était prête à tout. Le 24 mai 1992
Que s'est-il passé ce jour-là ? Il ne le sait pas. Il n'est sûr que d'une chose c'est que sa mère ne l'aurait abandonné pour rien au monde.
Quelques années plus tard, ce qui lui reste ce ne sont que quelques photos de famille, la petite maison et le souvenir d'une enfance perturbée. La maison est la plus haute de toute la campagne, elle domine toute la vallée de CAMAJUANI. Elle a les murs de couleur grisâtre, qui donnent l'impression de ne plus tenir debout. Le plafond s'affaisse plus les jours avancent. Sa chambre, il n'y dort plus. Il préfère celle de ses parents. Il dort, sur de petites nattes en paille. Le matelas de vingt ans, lui apporte un certain bien-être. Il sent l'odeur maternelle. Le temps de l'insouciance est bien loin.
Deux questions pour José restent sans réponse: qui a tué son père ? Pourquoi sa mère est partie si brusquement sans ne jamais donner aucun signe de vie ?
José a appris à se méfier de tout le monde, il ne fait pas confiance, il a peur de se faire avoir. Les jeunes de son âge, il les entend rire, à travers les carreaux sales de la cuisine. Mais lui il n'a pas envie de les voir. Il doit travailler, pour gagner de l'argent, vivre et faire prospérer l'exploitation de son père.
Tous les matins, il se lève, prie dans l'espoir que sa mère reviendra. Ensuite quitte sa maison et passe chaque jour devant la case du vieux Luis. Cet homme, âgé, vit seul. Il reste assis toute la journée dans son fauteuil en paille, et fume continuellement de gros havanes. L'odeur des cigares est un ravissement pour José et lui évoque des souvenirs d'enfance. José ne lui a jamais parlé, pourtant à chaque fois qu'il passe devant lui, il se sent rassuré.
Il lui adresse un simple sourire, et continue sa route vers les champs de tabac. Là, il coupe à l'aide de sa machette, les feuilles, puis il les ramasse, et va les sécher.
Plus les jours avancent, plus ses mains sont abimées. Ses joues sont noires comme la terre, ses pieds sans chaussures sont sales. Ses vêtements sont les mêmes que ceux que portait son père, mais sont beaucoup trop grands. Il les noue autour de sa taille à l'aide d'une corde. Pourtant, il a toujours une prestance qui ne laisse d'ailleurs aucune fille du village indifférente. Il rentre chez lui aux alentours de avale un bol de soupe, et part se coucher. Il ne se pose pas de questions. Sa vie sur le plan matériel n'a aucun sens. Son unique objectif est de retrouver l'assassin et le sourire de sa mère.
Un matin, qu'il se rendait à son travail, Luis laisse tomber son cigare et l'appelle. José étonné et inquiet, reste de marbre. « N'aie pas peur, viens t'asseoir » lui dit le vieil homme.
José, surpris de l'attention de Luis, s'exécuta. Luis avait la voix rauque, comme quelqu'un qui venait de trop fumer, mais avec la douceur d'un enfant de sept ans. José lui demanda s'il pouvait l'aider. « J'ai quelque chose pour toi mon garçon ! » répondit Luis. José le regarda perplexe. Luis continua :
« - Je viens de recevoir un papier.
Il vient de très loin l'étranger. C'est ta mère ! » José se figea, blêmit, et ne broncha pas.
« Ce courrier t'appartient. Prends- le. Tu le trouveras sur la table de la cuisine. » José bondit et poussa la porte dans une excitation totale. Il courut vers la table de la cuisine, sans s'apercevoir, que plus il s'avançait, plus la lumière s'affaiblissait, plus le noir augmentait. Quand il prit la lettre entre ses mains, son visage perlait de sueur. Il était envahi d'une grande émotion, ses jambes tremblaient, son souffle était coupé. En portant la lettre à son nez, il reconnut immédiatement le parfum de sa mère. Cette lettre avait été postée en ARGENTINE. Il regardait à droite à gauche successivement. Il n'y avait rien dans cette pièce, à part un tableau qui représentait la ville de BUENOS AIRES et en-dessous, une coupelle dans laquelle, se trouvait une bague. Il courut vers la sortie. Arrivé dehors, le soleil l'éblouit. Luis parut étonné qu'il n'ait toujours pas ouvert la lettre. José, le comprit et se réfugia dans sa chambre à l'abri des regards indiscrets.
La lettre était d'une blancheur éclatante, l'écriture était parfaite:
« Mon chéri,
Je suis partie sans te dire au revoir et je le regrette chaque jour un peu plus. J'ai dû fuir Cuba pour des raisons que je ne peux t'expliquer. Ne cherche pas à me retrouver. Je pense à toi tous les jours et je suis sûr que tu t'en sors à merveille.
Fais bien attention à toi.
Je t'aime je ne t'oublierai jamais,
Avec toute ma tendresse ...
Ta maman »
José ne put s'empêcher de retenir les larmes qui lui brûlaient les yeux. Il remercia Luis, et rentra chez lui attristé, mais heureux. Pour la première fois depuis, trop longtemps, il avait des nouvelles de sa mère. Comme quoi il ne faut jamais perdre espoir. Il aurait bien sûr espéré autre chose et notamment avoir la possibilité de lui répondre. Pouvoir lui raconter son quotidien, le courage qui le faisait avancer. Soudain, mille questions lui venaient en tête : Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi si peu de détails ? Pourquoi ne pas vouloir lui donner la possibilité de la revoir ? Et enfin pourquoi cette lettre est-elle arrivée chez Luis ?
D'un sursaut, il repartit chez Luis et frappa de toutes ses forces à sa porte. Luis, ouvrit, à moitié endormi.
José lui expliqua son problème. Luis, très gêné, par la tristesse qu'il voyait dans les yeux de ce jeune homme ne put répondre. José surpris, déçu des réponses qu'il attendait et plongé dans ses pensées, retourna chez lui, avant de s'endormir malgré tout heureux mais perplexe.
Dès le lendemain, José partit travailler plus tôt que d'habitude. Au lever du soleil, il était déjà dans les champs à ramasser les feuilles de tabac. Ce jour là, il rentra très tard, exténué. Ce fut ainsi pendant plusieurs semaines. Tous les jours en croisant Luis, il espérait qu'il l'appellerait à nouveau pour lui dire que sa mère lui avait de nouveau écrit. Mais les semaines et les mois se succédèrent sans que rien ne se passe. Jusqu'au jour où José ne vit plus Luis...
Inquiet, José fit le tour du village à sa recherche. Personne ne l'avait vu, personne ne savait où il était. Durant des heures José se mit en quatre pour le retrouver. Mais toujours rien, effondré, il craqua, pleura à chaudes larmes. Tout à coup un enfant s'approcha de lui, prit sa main et l'emmena à l'autre bout du village. Soudain, l'enfant s'arrêta devant une paillotte. Etendu sur une natte, livide, le regard absent, Luis était là. José se jeta sur lui. Et ne put que constater que le vieil homme vivait ses derniers instants. Luis le prit par ses épaules, l'embrassa longuement. Soudain il sentit la main tremblante du vieillard se rapprocher de la sienne. Luis dans un dernier effort lui glissa la bague. La bague qu'avait vue José en-dessous du tableau de BUENOS AIRES. José tout surpris reconnut en fait que c'était une alliance ... A ce moment là, il regarda Luis. Celui-ci lui sourit et s'éteint. Totalement effondré, José porta l'anneau à son auriculaire, et serra son point de colère. Révolté contre la terre entière, l'envie de tout arrêter, de s'en aller ou de tout casser.
Quelques jours plus tard, les obsèques de Luis furent organisées. Tout CAMAJUANI était là. Soudain José fut attiré par le regard d'une dame en noir. Il ne lui fallut que très peu de temps pour comprendre. Leurs regards se croisèrent. Ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre. Il reconnut ce parfum. C'était sa mère !..
L'enterrement terminé, ils rentrèrent à la maison. Sa mère s'assit et commença à lui raconter, lui dire ce qu'elle avait vécu.
« J'ai dû fuir CUBA pour te sauver. Roberto le frère de ton père était mon amant.» Sa voix se nouait. Elle pleurait mais continua :
« Ton père l'a découvert, et Roberto l'a assassiné. Il m'a menacé de te tuer si je ne quittais pas l'île avec lui. J'étais effondrée, je n'avais aucun choix si ce n'est le suivre. Je ne pouvais pas permettre qu'il te fasse du mal. » Elle lui prit ses mains et les embrassa.
« Pardon, José, je m'en veux, mais même si c'est difficile à croire je ne l'ai fait que pour te sauver. Il n'y a rien de plus cher dans mon cœur que toi. » Elle continua avec difficulté : « J'avais interdiction de t'écrire. J'ai résisté pendant des années, jusqu'au jour où l'envie fut plus forte que la peur et la douleur de notre séparation trop importante. Si je suis là aujourd'hui c'est que je ne crains plus ton oncle. Je me suis échappée de son emprise. Le cauchemar est terminé. Je reviens à CUBA pour toujours, pour vivre avec toi, et pour essayer de rattraper toutes ces années perdues »
José, la regarda, anéanti. Certes il avait enfin les deux réponses à ses questions mais pourquoi aujourd'hui, le jour de la mort de Luis ?
Peu importe, ils étaient tous les deux réunis. Le bonheur l'envahit. Elle était enfin devant lui, et José dit enfin: « Nous ne nous séparerons plus jamais
Non, je te le promets, plus jamais !..
Je t'aime maman
Moi aussi, José, moi aussi »
Elle voulut retourner sur la tombe de Luis, José interloqué, mais ne voulant plus lâcher sa main accepta de l'y accompagner.
Il était tard, le soleil allait se coucher, et dans un calme absolu, elle s'agenouilla devant la tombe de Luis, pria pendant un long moment et murmura:
« Je t'aime papa ».
Manon DABANCENS
AMOUREUX DE VIVRE A EN MOURIR
Ils sont là. Tous. Ils attendent la mort. Que sa blanche pureté vienne les cueillir, et les soulage de leur souffrance. L’un lève les yeux vers le ciel. Noir. Désespérément noir. On dirait que la terre entière ressent leur tourment. Une peine immense leur étreint le cœur, sans que rien ne semble pouvoir les délivrer de ce supplice. Certains s’imaginent déjà retrouver leurs mères, ou encore leurs fiancées, là-haut, parmi les étoiles, inexistantes en ce soir du 21 novembre …
D’autres rêvent à un ciel bleu et pur, accueillant, mais presque aussitôt une voix railleuse leur murmure de lever la tête. Ils la maudissent tous cette voix pénible, mais voilà, elle est là … réelle … ou presque.
Le temps leur paraît long. Et pourtant si court … Qu’est-ce qu’une heure dans la vie d’un homme ? Mais quand on sait qu’elle sera la dernière ? Alors, ils attendent là, désireux d’oublier. Ou de se rappeler…
Ils évitent de se regarder. Ils savent que dans les yeux d’un autre, ils verront le reflet de leur misère. La saleté et la maigreur, les joues creuses et le teint ciré… Celui qui a dit un jour qu’un homme qui meurt pour ses idées meurt la tête haute, eh ben, il se trompe grossièrement.
Pour eux, il n’y a rien de plus pitoyable que de crever comme ça, puant la pisse …
Parmi eux, un blond, encore beau malgré la faim qui creuse son visage, le froid qui le fait frissonner, et la fatigue. Pas plus d’une vingtaine d’années, et le regard déjà marqué par la vie … Et il meurt à cause de ses idées … Ce putain de Maurissaut et son ministère l’ont condamné à la peine capitale pour avoir suivi les idées de son père. Mais le pire là dedans, c’est qu’il n’y croyait pas. Et dire qu’il se foutait de cette guerre dont il ne comprenait pas tout à fait le sens …
Maintenant, il ne s’en fout plus … Maintenant, il va perdre la vie à 21 ans à peine, des rêves plein la tête, des étoiles dans les yeux et une fille dans son cœur. C’était des jeux d’adulte.
Lui était encore un gamin.
Il aurait aimé vivre avec elle, la rendre heureuse, lui faire des cadeaux, voir une ribambelle de gosses courir autour d’elle, la voir rire, caresser sa peau, aussi douce que la soie, embrasser ses lèvres, pleines, au goût de caramel, plonger dans ses yeux chocolat …
Oh bien sûr, il n’était plus naïf, ça n’aurait pas été le bonheur tous les jours … Bien sûr, il y aurait eu des cris, des disputes. Peut-être un jour l’aurait il détestée … Mais mon dieu, au moins aurait il eu l’occasion de ressentir ces sentiments, ceux de la vie qui s’écoule et dont on ne peut retenir le flot. Tout sauf cette interruption brutale qui le terrasserait bientôt. C’est quand on a perdu les choses qu’on se rend compte à quel point elles comptaient pour nous. Ben, pour les personnes, c’est pareil … Cette sensation de vide, de manque qui l’étreint est insupportable… Il a presque envie de pleurer. Mais, à quoi bon, à quoi ça sert ? Il regarde sa montre, une des rares choses qu’on ne lui ait pas enlevé. … Plus que 58 minutes à vivre …
Le ministère avait communiqué l’heure de sa mort, et il sait qu’à cette heure-ci, elle devait frénétiquement regarder sa montre. Il lui a interdit de pleurer. Une mort, c’est pas forcément triste, pas vrai ? Elle ne doit se rappeler que des moments joyeux passés ensemble, comme cette fois au parc d’attraction, où il lui avait gagné un petit nounours, ou encore cette fois où il était tombé dans la rivière, et l’avait entraînée avec lui…
Candice… Il se souvient des années passées à détester ce nom, à l’exécrer, à le haïr. Cette insupportable petite peste au collège qui osait lui tenir tête, il ne la supportait pas… Ou du moins c’est ce qu’il croyait, jusqu’à ce qu’il réalise qu’il voulait peut-être juste se faire remarquer par elle. Il provoquait les rencontres, et finalement, ils se tombèrent dans les bras, un soir d’avril de leur seconde, pour ne plus se quitter. Il s’étaient promis de ne plus jamais se quitter…
Il avait peu à peu réussi à apprivoiser Marc et Thibault, les deux gardes du corps farouches de Candice… Ils avaient, à la fin de leur dernière année, acheté un appartement au cœur de Paris, pendant que la guerre faisait rage, et que dans les deux camps on fatiguait toujours un peu plus… Mais tous deux étaient au dessus de cela, ils n’y pensaient pas plus que ça et élaboraient des projets pour l’avenir… Ils vivaient dans une bulle, sorte d’île perchée au delà du monde des vivants. Ils parlaient parfois de se marier, il lui avait même offert une alliance, mais ils repoussaient le projet à plus tard, après la guerre…
Mais finalement le ‘bon’ côté l’avait emporté. Le ministère avait lancé des avis de recherche et tuait à bras le corps, sans acquis de conscience… Et lui, il va crever…
On l’avait pris chez lui, ils avaient défoncé la porte et malgré les cris de supplication de Candice, qui clamait son innocence, on l’avait descendu, à moitié nu dans une camionnette. Pourquoi pas quelque chose de plus discret ? Pour l’humiliation bien sûr…Ces salopards, ils aiment ça, le regard des voisins, les murmures sur le passage de celui qui sait qu’il n’aura pas de procès… Juste l’enfourner dans la camionnette, en regardant avec un plaisir sadique les pleurs de la famille, en l’occurrence, de sa fiancée…
Alors, le calvaire avait commencé, il avait été traîné dans une bonne partie des prisons de France, avait côtoyé les pires criminels de tous les temps… Mais, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, ce sont pas eux les pires… Les pires, ce sont les gardiens, qui vous pissent allègrement dessus, qui enchaînent les humiliations, pour le besoin de trouver un coupable…
Il revient dans le présent. Panique… Il lui reste dix minutes de vie, et il ne s’en est pas rendu compte… Il ne veut pas pleurer. Il veut essayer de mourir la tête la plus haute possible…
C’est à dire plutôt bas à cet instant…
On vient le chercher… Il doit être le premier à être exécuté, et ils ont considéré apparemment considéré qu’ils pouvaient expédier ça en deux minutes, puisque le prochain, ils l’ont prévu à 6h02… Il les déteste.
Il se lève et avance lentement vers un petit bonhomme chauve au fond de la cour… Celui-ci lui demande d’écrire son nom et de signer. Et ça fait quoi s’il le fait pas ?
« Active, nous sommes en retard !»
Il signe…
Ils l’amènent vers un petit muret. Alors il prend pleinement conscience qu’il va enfin savoir ce qu’il y a après la mort, si tant est qu’il y ait quelque chose. Il ne sait pas. Il doute. Il ne croit pas en Dieu, et c’est pire…
« Attention, à mon signal, visez et tirez… »
Il n’arrive plus à distinguer d’où vient la voix. Il a chaud. Il a froid. Il ne sait pas. Tout ce qu’il voit c’est deux yeux bleus qui le regardent, des yeux tristes… Son futur meurtrier se trouve face à lui et tient son fusil entre ses mains. Bizarrement Arthur n’arrive pas à lui en vouloir… Parce que c’est un être humain, comme lui… Parce qu’il a tout simplement peur, comme lui… Un petit choc de panique l’envahit. Il se force à respirer calmement. Il lève les yeux vers le ciel. Un petit morceau de soleil encore hésitant pointe le bout de son nez…
« Allez y… »
Laetitia MEZIANE